Bon, je commence, mais surveillez mon post parce que je risque d'éditer plusieurs fois... l'article fait des centaines de pages ! Donc, je "fiche" de la même manière que je le fais avec mes manuels d'histoire :
Support :
Le Bestiaire du Christ, L. Charbonneau-Lassay.
Le phénix I. Le prototype naturel :Cet emblème n'est pas né dans le bassin du Nil, mais c'est là que la fable singulière qui lui est attachée a été créée.
Dans l'art chinois, associé à la fleur du nélumbo
(http://perso.orange.fr/cactus.esterel/galerieweblotus/images/Nelumbo-Nucifera.jpg); enveloppé de ses longues plumes comme la rose l'est de ses pétales, c'est un talisman vénéré.
Dans l'art assyrien, c'est un oiseau sacré qui devance le souverain comme le faucon accompagne le char des pharaons.
Le phénix est appelé en égyptien
bennou et comporte une idée de couleur éclatante traduite par le
foinix grec. L'hélleniste Planche fait glisser le sens avec sa traduction
couleur de feu. Cuvier donne l'opinion la plus probable selon laquelle il s'agit du faisan doré d'Asie dont la représentation est extrêmement fréquente dans les arts emblématiques de l'Asie.
II. Le phénix en Chine :C'est le faisan poétisé.
Parmi les 360 espèces d'oiseaux connus des anciens chinois, seul le
Fong-Hoang (
fong : mâle,
hoang : femelle) détient la royauté. Les phénix naîtraient dans le Royaume des Sages, ne mangeraient que le fruit d'une variété de bambou et ne boiraient que de l'eau pure. Lorsqu'il chante, tous les coqs du monde lui font écho. Fils de la flamme (donc du
Yang, le principe actif), il influence la conception et la naissance et c'est lui qui apporte aux mères les âmes de leurs enfants. De même il est vecteur de germination.
Protecteur des Empereurs, il apparaît à quelque privilégié en temps de prospérité et s'isole en d'heureuses solitudes lorsque les temps se dégradent.
Au ciel les âmes saintes seraient nourries de foies de dragons et de moelles de phénix qui entretiennent immortalité et bonheur.
III. Le phénix chez les anciens Egyptiens :Le
bennou égyptien est la transposition du
bânu assyrien, qui signifie brillant.
Il se rattache aux cultes conjugués d'Osiris et de Râ ; symbole des apparitions périodiques, des levers du soleil, des résurrections d'Osiris. A Captos ou à Antépolis, on constate que le phénix est représenté avec 2 bras humains à son poitrail qu'il tend vers l'étoile Sathis (Sirius) dont l'apparition précède le lever du soleil.
Osiris aurait confié au phénix le secret des choses de l'éternité. Dans le Rituel des Morts, il s'y identifie.
Ce n'est que tardivement (dernier millénaire av. JC) que le phénix bénéficie d'un culte propre. Il ne vivrait jamais qu'un seul phénix à la fois sur la Terre ; à sa 500ème année, il s'envolerait jusqu'en Heliopolis pour s'y construire son bûcher, et de ces cendres renaîtrait un ver qui se métamorphoserait en nouveau phénix.
IV. Le phénix chez les Grecs et les Romains :Pline, Plutarque et Ausone prétendent qu'Hesiode (qui aurait été contemporain de Salomon, selon eux) fut le 1er à parler de la llégende du
bennou égyptien. Hérodote, lors de la bataille des Thermopyles (-480) avait aussi visité l'Egypte et remodelé le pythe héliopolitain. Au ver, il substitue un oeuf. Pour lui, la plus précieuses des gommes parfumées provient du nid du phénix : le cinamone, quintessence de la combustion commune des aromates et du phénix lui-même.
Pline ou Ovide seront plus exacts et en parleront en termes zoologiques.
Au IVème s. de notre ère, Nonnos, poète grec d'Egypte, rédige un Hymne au Soleil où il mentionne le phénix et surtout signale que le phénix tire sa renaissance à une nouvelle vie de lui-même et non d'une autre source. C'est là que se construira la symbolique chrétienne.
V. Le dogme de la résurrection au début du christianisme :La vie de l'homme est brève, en butte aux sévérités immérités du sort et aux méchancetés des hommes. Les théologiens égyptiens en conclurent que la Divinité, pour être juste envers l'humain, se devait de le ressusciter. Cette foi très réelle en la restauration de l'être humain, ils l'avaient proclamée par les symboles du phénix, de la grenouille, des arbres à feuilles caduques... tous emblèmes que la religion chrétienne a acceptés pour figurer la Personne du Seigneur, "principe de vie et Premier-Né d'entre les morts" (saint Paul).
Aux environs du VIIème s. av JC déjà ,tout le bassin méditerranéen voit apparaître des dieux mythiques qui subissent une "passion" plus ou moins caractérisée : Osiris, Adonis, Attis, Zagreus, Sabazios (en Thrace), Thamous (en Phrygie)... Les sages de Grèce ont eux-même exprimé leur conviction en la palingénésie, c'est-à-dire la régénération port-mortem de l'homme dans un état plus parfait. Saint Augustin en témoigne. Si les généthliaques (les héritiers de cette croyance) ont été taxés d'hérésie, ce n'est donc pas à cause du fond de leur croyance, mais à cause de la manière dont ils l'exprimaient : elle était calquée sur les mystères d'Eleusis.
Job le premier se soulève de son fumier pour exprimer son espérance : "Je sais que mon Rédempteur est vivant et qu'il se lèvera sur la Terre !". Isaïe, David proclament aussi la survie des cadavres. Ezechiel chante l'extase où, devant ses yeux, des ossements desséchés retrouvèrent leur chair vivante et saine pour chanter la puissance du Dieu d'Israël.
Cependant, au moment de la diffusion de la doctrine chrétienne, Rome reste hostile au dogme de la résurrection ; et si les premiers chrétiens l'acceptèrent, ils restèrent sceptiques quant à l'idée de la survie de leur être par l'immortalité de leur âme.
Les objections chrétiennes occupèrent longtemps les théologiens par la suite à ce sujet : siant Jean Chrysostome, saint Grégoire de Tours
(rien à voir, mais c'est notre patron ! --> [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] , Jonas d'Orléans... mais la prédication reste claire : "Dieu nous a régénérés en la vive espérance par la résurrection de Jésus" (saint Pierre). A ce dogme, il fallait des emblèmes figurés pour parler aux yeux.
VI. Le phénix dans l'art chrétien :Les Pères de premiers siècles ont cru les naturalistes de leur temps ; saint Clément chante "le prodige paradoxal qui a lieu en Arabie ; le phénix unique en son espèce et qui vit 500 ans..." et en fait une preuve de la magnificience de la promesse de Dieu.
Les Constitutions Apostoliques, rédigées au IIIème s. racontent la légende héliopolitaine et en concluent que les attaques anti-chrétiennes sont sont infondées, puisque même les païens ont une résurrection sans raison. Saint Cyprien, Lactance réaffirment la solitude de l'oiseau, et son auto-suffisance.
Tertullien s'attache plus au sens symbolique ; la création prouve que "chacune de ses productions finit plutôt qu'elle ne meurt, et est rendue à sa forme plutôt qu'à la vie". Le phénix est un être animé, sujet à la vie et à la mort ; et Tertullien rappelle que dans les Ecritures figure "Il se renouvellera, comme le phénix".
Le phénix dans l'art chrétien est donc à la fois emblème du dogme et image symbolique du Christ. Dans ce dernier cas, il est représenté perché sur un palmier (cf. le Cantique des Cantiques : "
ascendam in palmam et apprehendam fructus ejus" ; ou encore assimilation à la palme des triomphateurs parce qu'il a vaincu la mort), et souvent à proximité de saint Paul qui fut le héraut du Christ ressuscité. De même, il figure au côté du Christ quand il apparait. A noter : le sceau de plomb du diacre Siricius
(https://i.servimg.com/u/f20/11/38/34/02/phoeni10.jpg), où le phénix nimbé est accompagné de l'inscription "+ FENIX" que l'on lit "Xristos-Phoenix".
VII. Le phénix, emblème d'éternitéDe même qu'avant eux, les chrétiens ont conservé le symbole de la perpétuité cyclique. Ainsi, une monnaie d'Auguste porte la mention "
aeternitas. aug. - fel. temp. reparatio." : "éternité d'Aguguste - heureux renouvellement des temps" avec le phénix à l'avers. Plus tard,une monnaie de Constantin (le 1er empereur converti, NDLRédactrice] le présente offrant à Rome personnifiée le globe de la Terre que surmonte le phénix "symbole de l'ère nouvelle du Christ".
L'Eglise voit en l'oiseau l'image de la transformation du Christ et du chrétien de l'état terrestre et passager à l'état immuable, par-delàla mort.
Le sciences hermétiques regardent l'oiseau comme la figure des renouvellements successifs et ininterrompus qui forment un état de permanence sans fin. Des alchimistes le placent sur le symbole chimique du soufre (croix renversée).
[Ici, je recopie in extenso l'analyse de L.Charbonneau-Lassay, parce qu'il me semble y trouver l'origine d'un gros morceau de symbolique Marsienne :
"Je reproduis ci-contre une de ces représentations du phénix sur l'hiéroglyphe alchimique du soufre.
Peinte sur un panneau de bois et assez altérée, mais très nette encore dans sa composition, cette oeuvre est du XVIIIeme s. Sur un fond brun, le triangle d'or du soufre est délimité par une bande rouge, et l'image écarlate du phénix le remplit tout entier ; l'Ouroboros, le serpent courbé en cercle et se mordant la queue, encadre comme un nimbe, une auréole bleu ciel sur laquelle se détache la tête de l'oiseau. Cette adjonction de l'ouroboros n'est pas une simple superfétation : elle explicite le caractère du phénix en tant qu'image de la perpétuité par le renouvellement continuel des cycles. Mais qui donc, en fin de compte, se cache sous les apparences de l'oiseau mystérieux ? Au-dessus de la pointe du triangle alchimique, les 4 lettres hébraïques du tétragramme sacré vont nous le dire : IOD-HE-VAU-HE (le Seigneur). Mais que vient faire, sous le phénix, le signe alchimique du soufre (la croix)? Il est là, lui aussi, pour glorifier le Rédempteur ressuscité dans l'apothéose d'une inégalable gloire. Le soufre "exalté" des alchimistes, dit M. Alvart, c'est-à-dire le soufre porté par le feu à son maximum de rayonnement, fut pour eux l'un des symboles du Christ ressuscité, et devenu glorieux après qu'il fut passé par le feu de l'épreuve suprême, par le creuset de la souffrance, durant sa Passion." J'ai souligné tout ce que l'on retrouve chez Thirty.]
VIII. Le phénix dans le symbolisme littéraire du Moyen Âge : Les Bestiaires de l'époque romane chantent ses louanges et rapportent plus ou moins la légende d'Heliopolis.
Les mystiques firent aussi le rapprochement qui suit entre le phénix antique et Jésus-Christ : le phénix naît sans passer par les exigences des lois naturelles de la reproduction, et il n'en existe jamais qu'un seul à la fois sur Terre, de même que Jésus vient au monde sans paternité terrestre réelle, et que jamais la Terre n'a porté parmi les hommes un homme semblable à lui. Jésus est le Phénix de l'humanité.
Le plus bel exemple de représentation sculptée est présent sur les stalles du choeur de la cathédrale de Poitiers, ainsi que dans la frise des animaux symboliques de celle de Strasbourg.
IX. Le phénix, emblème de diverses vertus : Héraldique :
l'espérance, sentiment humain et vertu théologale.
Morale :
la pureté de conscience reprise de la conception égyptienne de pureté face au Jugement dernier,
et par extension,
la chasteté. D'où l'association au nymphéa blanc (nymphéacées = plantes antiaphrodisiaques) aussi dans l'art occidental.
Voilà pour le phénix. Je sais pas vous, mais moi, je m'éclate complètement à faire ça !!!